chronique haïku 16

« Ce livre est donc écrit simultanément en deux langues (français et anglais) par deux plumes différentes, explique mÆL. Parfois, c’est le “je” qui l’emporte, d’autres fois c’est le “nous” puisque nous sommes deux. Ce sont deux chemins qui se croisent parfois où l’on respire le même air, et pourtant deux visions ».

L’ensemble, au départ a donc un aspect un peu « foutraque », qui ne ressemble à rien. On peut aller y lire, aux côtés des haïkus de grands maîtres, des haïkistes contemporains francophones …(Mélanie Bosc, Bernard Dato, Isabelle Lamant…) ou anglophones (Daya Bhat,  John Descher-Lehman …)

verglas soudain

sur le trottoir ma voisine

à quatre pattes

Marie-France Evrard

Kneeling and weeding,

the thoughts passing more slowly-

until the silence

Steve Pasto

On peut s’essayer à des jeux d’écriture car de l’espace est laissé au lecteur pour qu’il s’amuse en apprenant à écrire des haïkus.

Ce côté ludique, peu à peu l’emporte,  et en parcourant ce guide on redécouvre cette légèreté du haïku, karumi, si importante pour Bashô. D’ailleurs, les auteures l’affirment : « Ce manuel s’adresse aux enfants, à tous les enfants que nous sommes, et invite à la détente contemplative et créative. »   

Sur le fond, la connaissance de la langue chinoise par mÆL infuse un esprit particulier à ce manuel. Son immersion un temps dans cette culture où « ce que l’on appelle simple est en fait une perception autre et nécessite de passer par le lâcher du mental. » imprègne les consignes d’écriture. Et de citer un poète de la dynastie des Tang qui a écrit : “On appelle phrase morte une phrase dont le langage est encore langage ; une phrase vivante est celle dont le langage n’est plus langage.”

Autre socle du manuel, une construction en cinq parties qui donne l’essentiel des codes à connaître pour se lancer :

Nos cinq sens, voire notre sixième sens, l’intuition, en dix-sept syllabes.

Puis

  • Les mots de saison, kigo (季語).
  • La césure, kireji (切れ字). Un monde d’émotions.
  • Jouer avec les mots, les rythmes, la musicalité et même les rimes.
  • Les notions de wabi, sabi, karumi, shiori, hosomi and yūgen

Mais surtout, surtout, ce ton gai, enthousiaste qui parfois manque au monde des « spécialistes du haïku » (un terme qui ne devrait même pas exister, tant cette voie se doit de rester rafraichissante).

Celui qui a envie de dépoussiérer un peu ses connaissances parfois encombrantes s’en délectera.

Comme l’affirment les auteures : « Ce que nous souhaitons transmettre ici c’est le plaisir de créer et de vivre pleinement l’instant présent. On ne le répètera jamais assez :  Écrire un haïku ou un senryu est un jeu… presque d’enfant ! Seule voie possible vers l’impossible ».

Bien d’accord ! Ce projet au départ digital (mÆL et sa fille sont très présentes sur Instagram) doit devenir un manuel en papier — sortie le 30 novembre 2023 lors du lancement d’A3, la maison de Haute Édition, qui l’édite — prochainement distribué, entre autres, dans les écoles suisses.

Infos : https://www.a3-haute-edition.com/

Pour commander le livre

article paru dans la revue « l’Echo de l’écho n°12, Novembre 20203» dirigée par Danièle Duteil.

Partagez et ainsi propagez de la poésie!

Par Pascale Senk

Journaliste, auteure, éditrice spécialisée en psychologie, Pascale Senk se consacre à transmettre l’art et l’esprit poétique du haïku, qu’elle envisage comme une voie méditative.

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