les pratiques narratives

Le pouvoir de la narration facilite les transformations. Je me suis formée aux pratiques narratives via La fabrique Narrative et les praticiennes Elizabeth Feld et Dina Scherrer en 2020-2021. Cette approche qui accorde tant d’importance à la façon dont nous racontons “nos” histoires de vie et à la documentation poétique m’incite à faire un lien avec l’écriture de haïkus. À venir…


Je présente les pratiques narratives dans un article écrit pour le Figaro Magazine paru le 29 novembre 2010.


Raconter sa vie autrement pour aller mieux

Vous avez envie de comprendre comment la narration peur aider à changer de regard sur son passé, ses comportements ? De nouveaux courants psychothérapeutiques insistent sur les bénéfices de sélectionner et produire des récits de vie qui font du bien.

Au début du mois de novembre, il a quitté les bureaux feutrés des entreprises françaises hi-tech, ses clients habituels, pour rejoindre les terres brulées de Kigali, au Rwanda. Pierre Blanc-Sahnoun, coach de cadres dirigeants et psychothérapeute, était mandaté par l’ association IBUKA (littéralement : “Souviens-toi”), pour transmettre son savoir-faire dans un pays encore meurtri par le génocide de 1994. Sa mission : former des “conseillers en thérapie narrative” qui eux-mêmes aideront les familles rwandaises à guérir de leurs traumatismes. “Il s’ agit d’inviter les populations à développer une deuxième histoire, à coté de celle des atrocités qu’ils ont vécu et qui existera toujours, explique Pierre Blanc-Sahnoun. Car les rwandais ont aussi à leur disposition des récits porteurs de valeurs, d’espoirs, de créativité, et ce sont ces récits qui leur permettront de rester debout.” 

Cette résolution à se focaliser sur des évènements de vie minoritaires et pourtant positifs plutôt que de rester sous l’influence d’une histoire dominante, et par là même enfermante, signe de nouveaux courants très forts en psychologie, notamment la psychologie narrative, inspirée des thérapies comportementales et cognitives (cf. interview rebonds) et la thérapie narrative, née en Australie. 

Le principe : élargir le panel des récits que nous faisons sur nous –mêmes. Ne pas nous contenter d’une seule version de ce qui nous arrive. “Nous avons tous plusieurs histoires dans nos vies, et pourtant nous restons bien souvent collés sur la pire, perdant les ressources que nous apporteraient les autres, si nous les développions, explique le psychothérapeute”. Ainsi l’exemple de Rosy, reporté par la thérapeute Alice Morgan, dans son livre “Qu’est-ce que l’approche narrative, “ (éd. Hermann). Cette étudiante était comme paralysée devant la rédaction de sa thèse. Rosy se racontait toute la journée une histoire selon laquelle elle “était improductive”, conviction sans doute née dans son enfance où on l’avait abreuvée de conseils pour travailler efficacement. La thérapie consista alors à faire remonter des récits où Rosy ne s’attachait pas à cette version des faits : histoires d’artistes qui restent “en latence” devant leurs toiles pendant plusieurs jours, et pourtant livrent à la fin de purs chefs-d’oeuvre, témoignages du plaisir à être dans un processus d’apprentissage plus que dans son seul résultat. “Cette conversation a contesté les croyances et les vérités toutes faites sur les études et a aidé Lucy à se detacher des thèses du problème”, explique la thérapeute.

Il y avait donc déja le storytelling, communication narrative permettant aux marques d’utiliser des histoires pour repenser leur stratégie et poursuivre leur développement. Il y a désormais un même principe pour aider l’individu dans sa progression psychique. À lui de décider quelle interprétation de la réalité il préfère mettre en avant : “J’ai toujours été timide” ou “J’ai besoin d’une certaine distance avant de me lier” ? Ou encore : “J’ai été trahi par mon ami” ou “Nos chemins devaient se séparer là, nous n’avions plus rien de commun” ?

Mais pour prendre corps, les histoires alternatives naissantes chez ceux qui veulent changer doivent être transmises et relayées à d’autres… Les thérapeutes narratifs encouragent leurs patients à témoigner, tant il est vrai que ce qui lie les communautés humaines sont justement les récits, ce que l’écrivain Nancy Huston a développé dans son joli livre “L’espèce fabulatrice” (éd. Actes Sud)

Au Rwanda, les familles seront invitées à participer à des réunions narratives dans lesquelles chacun pourra raconter une nouvelle interprétation de son histoire. En Occident, cette pratique du récit de vie en groupe est déjà courante. Chez les Alcooliques Anonymes, on en a même fait un pilier de la guérison : à la date anniversaire de sa sobriété, le témoin vient re-raconter l’histoire de son rétablissement et tous les changements qu’il a traversé pour y arriver. “Ces légendaires transformations existentielles – étonnants parcours de recouvrance, accompagnés des récits qui en rendent compte – ne sont pas sans rappeler les rites initiatiques décrits parfois par les anthropologies”, écrit dans son livre “Les Groupes d’entraide, une thérapie contemporaine (éd. L’Harmattan) le philosophe Pascal Coulon, qui intervient en centre de soins des addictions. Et de relever l’effet cathartique de tels témoignages : “Généralement très chargées en émotions et fécondes pour le renforcement de la solidarité, ces séances sont destinées à solliciter et diffuser de la confiance, aussi bien dans les groupes que pour le témoin lui-même”. Bientôt la question à se poser pour aller mieux ne sera plus “Comment je vais ?” mais “Quelle  histoire suis-je en train de me raconter ?”.


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