Pour ceux qui écrivent, les apprentis poètes, écrivains, et à fortiori pour tous les haïjins qui risquent sans cesse de perdre leurs mini-poèmes, c’est l’allié de choix. Dans cet article, je montre pourquoi cet indispensable ami du quotidien mérite une place de plus en plus grande dans nos journées .
Dans le tiroir de ma table de nuit, dans mon grand sac noir, dans la poche de mon imper…Toujours, il est là, à portée de main. Transportable, nomade, et néanmoins fidèle. Lui ? mon petit carnet. Parfois à spirales, ou relié. A la couverture brodée en Inde ou juste « carton », très sobre, lorsque j’ai envie de plus d’austérité. Ou en magnifique cuir, comme ceux ciselés par Pascale Dehoux
Vous croyez ce détail indifférent ? Si l’on en croit les nombreux thérapeutes qui recommandent son usage régulier, le look de ce grimoire portatif est au contraire essentiel. «A mes clientes, je propose toujours de démarrer ce voyage en s’achetant un très joli carnet, un qui leur plaise vraiment, explique Florence Lautrédou, coach et psychanalyste qui a publié «Cet élan qui change nos vies, l’inspiration » (éd. Odile Jacob). Celui-ci est à voir comme un « adjoint » de valeur, porteur dans une certaine mesure de l’amour que l’on a pour soi, alors… ». Un allié de qualité en effet, car il a différentes manières de nous aider à progresser.
Le confident optimum
Il est d’abord le confident optimum. Silencieux, mais totalement accueillant. Vos colères, vos déceptions, vos joies…tout peut y trouver place.
Le dr Yasmine Liénard confirme : « Noter ses émotions, les « coucher » sur le papier permet de les mettre à distance ». Pour cette psychiatre , auteur de « Pour une sagesse moderne, les psychothérapies de 3è génération » (éd. Odile Jacob), relever ces pics émotionnels lorsqu’ils arrivent fait pleinement partie de la thérapie. «Je recommande à mes patients de saisir leur carnet et d’évaluer par une note de 0 à 5 l’intensité de l’affect qui les submerge, mais aussi d’en décrire les circonstances déclenchantes, les émotions en jeu, les pensées qui les accompagnent, les sensations dans le corps, les actions qui s’en sont suivies… ».
Ce sont ainsi des séquences complètes qui sont mises à jour et seront discutées en séances. La crise de boulimie, par exemple, pourra être expliquée par l’émotion de départ ou les pensées qui ont envahi la personne.
Organisateur du chaos
Mais ce ne sont pas seulement les fluctuations émotionnelles qui méritent d’être précieusement notées dans le carnet : tous les comportements qui nous échappent peuvent y trouver une certaine cohérence.
Mon amie Martine qui a une fâcheuse tendance à la frénésie d’achat, me le confiait récemment : «J’ai pris le pli de noter tout, absolument tout ce que je dépense au fur et à mesure de mes journées… ». Elle a ainsi compris comment ses euros s’envolent : « les petits cafés au comptoir, les fringues à deux balles, les paquets de chewing-gums aux caisses de supermarchés…A la fin d’une journée, ce sont toutes ces petites craqueries qui forment un joli montant… totalement injustifié, explique-t-elle !». Une révélation qui lui a permis d’être plus vigilante avec les « trois fois rien » qui, à la fin, plombaient lourdement son budget.
Ainsi, l’usage régulier du petit carnet aide à « sortir du flou » dans lequel nous nous complaisons trop souvent.
« Peu à peu, c’est toute la fresque du vécu qui se déploie sous nos yeux, affirme le Dr Yasmine Liénard». Derrière tous ces états d’âme, ces mouvements de la pensée, on discerne peu à peu un socle. Si le vécu est impermanent, si tout varie chaque jour, notre être profond, lui –celui qui écrit- gagne en solidité. En ce sens, écrire sur son petit carnet nous apprend le centrage…à la manière d’une pratique régulière de méditation ! » , ajoute la psychiatre.
Cette habitude salutaire s’adapte alors à notre recherche : Dans l’analyse, on y note ses rêves ; dans une thérapie, ce qu’on veut dire au thérapeute, ce qui se passe entre les séances ; dans sa vie « normale » : ce dont on veut être plus conscient !
« S’asseoir pour écrire, laisser son attention flottante, penser à hier ou demain…ce rendez-vous avec soi-même est un espace de liberté précieux qui mérite qu’on lui accorde du temps, préconise Florence Lautrédou. Il est un outil d’élucidation de soi, un compagnon de voyage qui nous protège de la dimension toujours «en extérieur » de nos vies ». Autant dire qu’il nous évite de vivre toujours en hyperactivité et fonctionnalité, « la tête dans le guidon ».
Garde- mémoire
En ce sens, mon petit carnet est aussi devenu un formidable réservoir à « rebut », détenteur de toutes ces petites choses que je voudrais bien garder en tête : recettes de cuisine, poésie primée dans le métro et qui me plait au point que je veux m’en souvenir, adresse de la boutique Vintage repérée entre deux rendez-vous et où je n’ai pu entrer …tout un bric-à-brac de « choses à garder » qui, saisi sur le papier, libère mon esprit du « trop-plein » qui le guette toujours.
Cet aspect « garde-mémoire » du petit carnet est aussi essentiel pour anticiper certains évènements stressants : Avant un entretien difficile, une confrontation, on peut écrire noir sur blanc les 2/3 éléments essentiels qu’on veut absolument avoir pu dire. Une préparation qui s’avère ainsi très efficace le moment venu.
Créateur d’avenir
Car, s’il contient notre mémoire, notre petit carnet est aussi créateur d’ avenir. Une intuition dans la rue, l’ affiche d’un film qui vous tente, une idée à partager avec un collègue…les noter comme des messages qu’on attrape au vol, c’est déjà donner vie à ses projets. « Cela nourrit l’inspiration, affirme Florence Lautrédou, cette belle capacité à saisir ce qui se passe autour de soi et à recevoir des indications, des signes de ce qui demande à s’accomplir ».
Parfois, il faut aussi en passer par ce dont on ne veut plus. Dominique Loreau, qui nous invite dans ses livres à régulièrement « Faire le ménage chez soi, faire le ménage en soi » (éd. poche Marabout) préconise, devant la petite page d’un carnet, de se poser cette question : «Si, suite à une catastrophe, je perdais tout, de quoi aurais- je ensuite besoin pour vivre ? ». Ces « musts » tous domaines- affectif, relationnel, matériel…- doivent ensuite prendre toute la place laissée par l’inutile et le superflu dont on veut se délester.
Je peux alors écrire dans le détail ces projets qui me tiennent à cœur et ne demandent qu’à émerger. Plus je serai précise, plus ils auront des chances de s’accomplir, affirment les spécialistes de la visualisation créatrice.
Oui, décidément, mon mini-carnet est plein de pouvoirs! Mais, pour être adaptable à toutes ces situations, il est nécessairement petit ! Alors, souvent, je me demande : « et si j’en avais plusieurs ? ».
Cet article est une version revue d’un article publié dans Version Femina du 9 février 2015
le carnet en cuir présenté ici (un de mes préféres) est l’œuvre de l’artiste Pascale Dehoux avec ses Carnets Voyageurs
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