chronique haïku 15

J’ai eu la chance de découvrir le dernier recueil poétique de Jean-Hugues Chevy en terre méditerranéenne, dans ce climat même qui l’a inspiré pour «  A l’ombre d’Ulysse », une promenade entre Italie, Crête, Espagne.. partout là où la blancheur des murs et le souffle des vents chauds révèlent des couleurs inoubliables.

C’était un peu le plaisir d’un« double voyage » pour moi, et je vérifiai, une fois de plus, combien les haïkus s’avèrent puissants pour partager ces aventures uniques qu’on vit sur la route. Il y va de leur ADN même :  Bashö d’ailleurs n’a jamais distingué son art poétique du fait de se mettre en marche pour traverser le pays, les paysages, les rencontres humaines, animales ou végétales que seuls les périples permettent. Et ses suites de haïbuns (texte prose et haïkus) sont d’abord des journaux de voyage

variété des formats

On se délecte avec le haïjin de se sentir emmené ainsi en promenade, avec de petits effets de surprise nés de la variété des formats qu’il compose : haïkus en 5/7/5, haïkus sur deux lignes, voire sur une ligne,

ou quatre !

Eole

sur les iles

elle achète des sandales

plus légères

un vent de liberté souffle effectivement sur ces suites, sans doute né de la maîtrise avec laquelle Jean-Hugues Chevy, haijin et poète expérimenté peut désormais s’amuser.

polaroïds de poche

         Mais j’ai particulièrement goûté ce que j’appellerai « l’effet polaroïds » de ces haïkus. Nous y  sommes, nous découvrons des saynètes qui disent tout d’un lieu, d’une situation, en si peu de mots

vieille ville

le vent visite

des venelles vides


Ronda- Malaga

le même petit nuage

dans le rétroviseur


boutique de chaussures

elle regarde marcher les touristes


dans le ciel

plane une mouette

sans ombre


 écume

au large un cargo poursuit

son voyage immobile

Essences culturelles

         L’effet ZOOM est notamment très réussi  lorsqu’il capte l’âme d’un pays. Car si toutes ces terres méditerranéennes ont en commun des parfums, des saveurs et un climat, elles diffèrent de par leur histoire et leur culture et le poète sait devenir poreux aux aspects singuliers de chaque pays  

L’Italie

olivier centenaire

on se parle avec les mains


soleil d’Italie

les citronniers encore

pleins de lune

L’Espagne

Palma

l’écorce d’un palmier

s’élève du patio


soleil andalou

les fourmis rouges

noircissent


flamenco

une gerbe d’étincelles

tout en elle

         de ces plongées en terre étrangère, j’ai particulièrement aimé la partie Crétoise. Est-ce parce que je n’y suis pas retournée depuis très longtemps ? Je l’ai retrouvée vivante et éternelle, et cela m’a comblée

Crète

le vent dans les vieux moulins

inertes


église orthodoxe

les chats en prière


cour du monastère

le parfum des citrons murs


palais crétois

l’ombre d’Ulysse

épaisse de quatre siècles

jamais l’auteur ne tombe dans l’évocation touristique attendue. Il sait  pointer aussi parfois ce qui dérange le voyage

vieux monastère

davantage d’autocars que de moines

Car ce sont aussi des instants uniques qui se dévoilent alors à qui veut bien, avant tout, contempler.

A lire

L’ombre d’Ulysse, de Jean-Hugues Chevy, illustrations de Yoann Laurent-Rouault, préface de Valérie Rivoallon

Tous les poèmes sont aussi en version anglaise

Editions JDH à commander ici

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Par Pascale Senk

Journaliste, auteure, éditrice spécialisée en psychologie, Pascale Senk se consacre à transmettre l’art et l’esprit poétique du haïku, qu’elle envisage comme une voie méditative.

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