Une bouffée d’air frais. Tel est ce qu’on peut ressentir en découvrant ce manuel bilingue, Un haïku pour la route/ Do you haïku ? composé à quatre mains, par une mère — mÆL — et sa fille au nom de plume de Blue. Normal, ce projet est né au début du confinement, mÆL ayant proposé à sa fille en ces temps d’enfermement d’écrire ensemble un livre sur les haïkus.
« Ce livre est donc écrit simultanément en deux langues (français et anglais) par deux plumes différentes, explique mÆL. Parfois, c’est le “je” qui l’emporte, d’autres fois c’est le “nous” puisque nous sommes deux. Ce sont deux chemins qui se croisent parfois où l’on respire le même air, et pourtant deux visions ».
L’ensemble, au départ a donc un aspect un peu « foutraque », qui ne ressemble à rien. On peut aller y lire, aux côtés des haïkus de grands maîtres, des haïkistes contemporains francophones …(Mélanie Bosc, Bernard Dato, Isabelle Lamant…) ou anglophones (Daya Bhat, John Descher-Lehman …)
verglas soudain
sur le trottoir ma voisine
à quatre pattes
Marie-France Evrard
Kneeling and weeding,
the thoughts passing more slowly-
until the silence
Steve Pasto
une écriture ludique des haïkus
On peut s’essayer à des jeux d’écriture car de l’espace est laissé au lecteur pour qu’il s’amuse en apprenant à écrire des haïkus.
Ce côté ludique, peu à peu l’emporte, et en parcourant ce guide on redécouvre cette légèreté du haïku, karumi, si importante pour Bashô. D’ailleurs, les auteures l’affirment : « Ce manuel s’adresse aux enfants, à tous les enfants que nous sommes, et invite à la détente contemplative et créative. »
Sur le fond, la connaissance de la langue chinoise par mÆL infuse un esprit particulier à ce manuel. Son immersion un temps dans cette culture où « ce que l’on appelle simple est en fait une perception autre et nécessite de passer par le lâcher du mental. » imprègne les consignes d’écriture. Et de citer un poète de la dynastie des Tang qui a écrit : “On appelle phrase morte une phrase dont le langage est encore langage ; une phrase vivante est celle dont le langage n’est plus langage.”
…assise sur les codes classiques
Autre socle du manuel, une construction en cinq parties qui donne l’essentiel des codes à connaître pour se lancer :
Nos cinq sens, voire notre sixième sens, l’intuition, en dix-sept syllabes.
Puis
- Les mots de saison, kigo (季語).
- La césure, kireji (切れ字). Un monde d’émotions.
- Jouer avec les mots, les rythmes, la musicalité et même les rimes.
- Les notions de wabi, sabi, karumi, shiori, hosomi and yūgen.
Mais surtout, surtout, ce ton gai, enthousiaste qui parfois manque au monde des « spécialistes du haïku » (un terme qui ne devrait même pas exister, tant cette voie se doit de rester rafraichissante).
Celui qui a envie de dépoussiérer un peu ses connaissances parfois encombrantes s’en délectera.
Saisir la gaieté du haïku
Comme l’affirment les auteures : « Ce que nous souhaitons transmettre ici c’est le plaisir de créer et de vivre pleinement l’instant présent. On ne le répètera jamais assez : Écrire un haïku ou un senryu est un jeu… presque d’enfant ! Seule voie possible vers l’impossible ».
Bien d’accord ! Ce projet au départ digital (mÆL et sa fille sont très présentes sur Instagram) doit devenir un manuel en papier — sortie le 30 novembre 2023 lors du lancement d’A3, la maison de Haute Édition, qui l’édite — prochainement distribué, entre autres, dans les écoles suisses.
Infos : https://www.a3-haute-edition.com/
Pour commander le livre
article paru dans la revue « l’Echo de l’écho n°12, Novembre 20203» dirigée par Danièle Duteil.
Partagez et ainsi propagez de la poésie!