Ils se sont mis à quatre haïjins aguerris – Françoise Gabriel, Alain Henry, Jacques Michonnet, Jean-Luc Werpin – pour composer ce recueil, et ils ont eu bien raison ! On pourrait croire que la multiplication des auteurs alourdit un livre. Ici, elle allège, donne de l’air et de l’humour, de la vitalité à des petits poèmes qui du coup rebondissent et semblent se répondre d’un auteur à l’autre comme des ricochets sur l’eau claire d’une rivière. Une fois de plus, nous constatons combien la poésie haïku profite des échanges, du groupe, du jeu collectif.
mise en légèreté
Karumi, invoquait Bashô : de la légèreté avant toute chose. Une légèreté qui n’est pas mièvrerie, déni ou inconscience mais devient humour face aux tragiques de la vie (temps qui passe, solitude, souvenirs, mort de toute chose vivante…). Ici, les haïjins s’en donnent à cœur joie
lendemain de dentiste-
le lifting éphémère
de la joue gonflée
FG
jour de marché
un haïku moche
dans les légumes de saison
JM
coup de vieux
les nouveaux collègues
me vouvoient
AH
méprisant
le vieux chat déserte
mon fauteuil
JLW
Cet humour « traversant » naît aussi, sans doute, de la construction du recueil. Au lieu de se caler sur un rythme thématique classique (les saisons par exemple…), les auteurs ont choisi de regrouper leurs poèmes en chapitres courts et aux variés : « comestibles“, “ pays des rêves ”, “bavardages”, « gouttes de pluie »… ce qui a pour effet d’éveiller la curiosité du lecteur.
diversité de la vie
ce “melting pot thématique ” rend bien compte des multiples présences au monde qui nous sont demandées au quotidien. Pour ma part, j’ai particulièrement vibré aux chapitres “Au travail” et “senteurs ”…
Du premier, je retiens le détachement vital, le second degré salvateur face aux déconvenues imposées au travailleur
un souffle de brise
entre avec le soleil
aujourd’hui tant à faire
JM
fermeture des portes !
le métro conserve
la chaleur du jour d’avant
FG
parade virile –
arrogants
ces pas cadencés
JLW
télétravail
personne pour arrêter
l’imprimante folle
AH
Des “senteurs”, je goûte à plein nez les multiples parfums, comme un bouquet éparpillé sur ces pages particulièrement revigorantes :
premiers rayons –
le parfum du foin
fraichement fauché
JM
ce vin bouchonné !
l’odeur enivrante
quand l’évier l’avale
FG
joggeuse impassible-
le parfum des fleurs
qu’elle a accrochées
AH
matin-
un parfum
m’entête
JLW
De ce quatuor poétique, on ressort avec une impression d’équilibre et de joie, rassuré sur la beauté des aventures collectives.
« Quatre, un jour”, de Françoise Gabriel, Alain Henry, Jacques Michonnet, Jean-Luc Werpin, éditions Jacques Flament, 100p, 10 euros.
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Bonjour Pascale,
Grand merci à toi pour cette belle analyse, tu as parfaitement restitué le sens de notre démarche
Très bonne et belle critique de la réalisation d’amis… Bravo.