J’ai eu la chance de découvrir le dernier recueil poétique de Jean-Hugues Chevy en terre méditerranéenne, dans ce climat même qui l’a inspiré pour « A l’ombre d’Ulysse », une promenade entre Italie, Crête, Espagne.. partout là où la blancheur des murs et le souffle des vents chauds révèlent des couleurs inoubliables.
C’était un peu le plaisir d’un« double voyage » pour moi, et je vérifiai, une fois de plus, combien les haïkus s’avèrent puissants pour partager ces aventures uniques qu’on vit sur la route. Il y va de leur ADN même : Bashö d’ailleurs n’a jamais distingué son art poétique du fait de se mettre en marche pour traverser le pays, les paysages, les rencontres humaines, animales ou végétales que seuls les périples permettent. Et ses suites de haïbuns (texte prose et haïkus) sont d’abord des journaux de voyage
variété des formats
On se délecte avec le haïjin de se sentir emmené ainsi en promenade, avec de petits effets de surprise nés de la variété des formats qu’il compose : haïkus en 5/7/5, haïkus sur deux lignes, voire sur une ligne,
ou quatre !
Eole
sur les iles
elle achète des sandales
plus légères
un vent de liberté souffle effectivement sur ces suites, sans doute né de la maîtrise avec laquelle Jean-Hugues Chevy, haijin et poète expérimenté peut désormais s’amuser.
polaroïds de poche
Mais j’ai particulièrement goûté ce que j’appellerai « l’effet polaroïds » de ces haïkus. Nous y sommes, nous découvrons des saynètes qui disent tout d’un lieu, d’une situation, en si peu de mots
vieille ville
le vent visite
des venelles vides
Ronda- Malaga
le même petit nuage
dans le rétroviseur
boutique de chaussures
elle regarde marcher les touristes
dans le ciel
plane une mouette
sans ombre
écume
au large un cargo poursuit
son voyage immobile
Essences culturelles
L’effet ZOOM est notamment très réussi lorsqu’il capte l’âme d’un pays. Car si toutes ces terres méditerranéennes ont en commun des parfums, des saveurs et un climat, elles diffèrent de par leur histoire et leur culture et le poète sait devenir poreux aux aspects singuliers de chaque pays
L’Italie
olivier centenaire
on se parle avec les mains
soleil d’Italie
les citronniers encore
pleins de lune
L’Espagne
Palma
l’écorce d’un palmier
s’élève du patio
soleil andalou
les fourmis rouges
noircissent
flamenco
une gerbe d’étincelles
tout en elle
de ces plongées en terre étrangère, j’ai particulièrement aimé la partie Crétoise. Est-ce parce que je n’y suis pas retournée depuis très longtemps ? Je l’ai retrouvée vivante et éternelle, et cela m’a comblée
Crète
le vent dans les vieux moulins
inertes
église orthodoxe
les chats en prière
cour du monastère
le parfum des citrons murs
palais crétois
l’ombre d’Ulysse
épaisse de quatre siècles
jamais l’auteur ne tombe dans l’évocation touristique attendue. Il sait pointer aussi parfois ce qui dérange le voyage
vieux monastère
davantage d’autocars que de moines
Car ce sont aussi des instants uniques qui se dévoilent alors à qui veut bien, avant tout, contempler.
A lire
L’ombre d’Ulysse, de Jean-Hugues Chevy, illustrations de Yoann Laurent-Rouault, préface de Valérie Rivoallon
Tous les poèmes sont aussi en version anglaise
Editions JDH à commander ici
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