chronique haïku #2

Thé de troisième eau de Cristiane Ourliac

Dans mes coups de cœur de l’année 2021, le recueil de Cristiane Ourliac paru en été dans les « Solstices » de l’Association francophone de haïku (AFH) tient une place particulière. J’ai eu envie de le préfacer pour sa délicatesse diffuse. Voici mon texte, étoffé de quelques haïkus supplémentaires en guise de cadeaux.

Une légende raconte qu’un sage indien conseillait ainsi ses disciples : « Vous êtes en colère ? Prenez une tasse de thé. Vous avez peur ? Prenez une tasse de thé. Vous êtes heureux ? Buvez une tasse de thé. » Et cela, tous les amateurs de la boisson sacrée, bouddhiste par excellence,  le savent intuitivement : les feuilles des vénérables théiers sont des alliées en toutes circonstances. Elles marquent le temps de la pause, du retrait, de la liberté face au rythme souvent précipité de nos existences.

C’est le chemin du cha-do (la voie du thé)  que l’haïjine et artiste Cristiane Ourliac nous fait partager grâce à ses haïkus aussi subtils et tendres que des effluves de Sencha, et parfois intenses comme un terreux Pu-ehr.

une voie de présence

D’une saison à l’autre, elle compose ses nano-poèmes comme elle déguste ses infusions : avec attention, et le recul si propice à la réelle présence à ce qui est.

obscurité légère
dans la tasse de thé
un pétale rose

paumes autour du bol
buvant l’arôme des fleurs
matin silencieux

dimanche de pluie
sur le lit des bruits mouillés
le chat se lèche

rendez-vous relationnel

Ses haïkus racontent aussi les relations discrètes qui se tissent autour d’une  théière : l’attente de l’être aimé, la solitude près d’un chat, les confidences de vieilles amies, le brouhaha d’un salon de thé…

à l’heure du thé
sous la tonnelle de glycine
chignons gris et mauves

salon de thé
elle me montre son bébé
sur son téléphone

La boisson chaude est partage, nous rappelle-t-elle, tout comme cet art poétique du haïku qui nous laisse libres d’imaginer ce qu’il ne dit pas.

Scandée aussi par les illustrations épurées et puissantes de Cristiane, cette promenade en haïkus diffuse dans nos cœurs ni plus ni moins que… le goût changeant de la vie.

Partagez et propagez de la poésie !

Par Pascale Senk

Journaliste, auteure, éditrice spécialisée en psychologie, Pascale Senk se consacre à transmettre l’art et l’esprit poétique du haïku, qu’elle envisage comme une voie méditative.

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