L’automne fascine. Voici des extraits de mon article paru dans HOLI by Psychologies de Septembre 21 et consacré à l’énergie subtile de cette saison qui inspire tant de beaux haïkus.
La beauté d’ultimes feux, la nostalgie si profonde qu’elle en serait presque joyeuse, l’alliance de la mort dans la vie et de la vie dans la mort…A partir de fin septembre, la saison automnale déploie de grands paradoxes. De quoi nous déconcerter et nous faire passer par une large palette de climats intérieurs.
Percevoir la beauté de la maturité
“L’automne est le printemps de l’hiver” notait d’ailleurs le peintre Toulouse-Lautrec, nous rappelant que les arbres là encore, sous nos yeux écarquillés, passent par toutes sortes de couleurs chaudes. Les paysages deviennent tableaux. Les feuilles jaunes, rouges, oranges ressemblent à des fleurs et, dans un dernier sursaut avant leur chute, nous offrent une autre version de la beauté : la beauté pleine du vécu, de l’expérience, du temps passé.
forêt d’automne –
entre l’or et la gadoue
un chemin s’ouvre
(…) Dans l’esthétique et la poésie japonaises, c’est l’heure de célébrer le wabi-sabi, ce sentiment de respect et d’émerveillement pour les érables centenaires, les meubles patinés, l’austérité des pierres…Si le caractère wabi vénère la sobriété, parfois même la pauvreté, le sabi s’attache aux traces du temps qui donnent davantage de sens aux objets comme aux êtres. Dans les haïkus ou poèmes brefs d’automne, on rencontre des tracteurs rouillés, des bols ébréchés, des hortensias aux couleurs sepia…et des vieux assis sur des bancs pendant des heures à contempler le monde.
plus aucun regret
ni aucune tristesse
sous les arbres jaunes
Goûter le meilleur de la nostalgie
L’automne, si on le regarde et si on l’écoute bien, nous fait aussi découvrir les charmes inattendus de la nostalgie, un sentiment facilement dénigré et fui parce que trop souvent confondu avec la mélancolie.
Or, il existe aussi une “nostalgie heureuse”, vénérée au Japon, notamment et qui est rendue possible parce que l’on a connu des temps de joie. Autant dire qu’elle s’enrichit du meilleur.
A l’Université de Southampton, l’équipe du Pr Constantin Sedikides[1] a découvert que les couples se sentent plus intimement liés et paraissent plus heureux lorsqu’ils partagent des souvenirs nostalgiques. Ils a été aussi montré que lorsqu’on a froid, on peut littéralement utiliser la nostalgie pour se réchauffer ! Devant de tels bienfaits, le Pr Sedikides invite chacun à créer des moments qui deviendront mémorables et viendront nourrir le sentiment nostalgique plus tard.
Au Japon encore, ce sentiment de nagori, “ la nostalgie de la saison qui vient de nous quitter ”[2], est précieusement cultivé. Car il donne un goût puissant au moment présent. (…)
Pour explorer la beauté et l’énergie de cette saison automnale, j’ai conçu un atelier “Haïkus d’automne ” par ZOOM. ( voir dates et heures ici)
[1] Sedikides C, et al. Advances in Experimental Social Psychology 2015;51,189-273.
[2] Voir le livre de Ryoko Sekiguchi « Nagori, la nostalgie de la saison qui vient de nous quitter » (Folio, 2020)