Le magazine HOLI by Psychologies paraît à chaque solstice. En décembre 21, j’ y consacre un article à la belle, la grande, la redoutable saison froide, qui nous lance de beaux défis. Car alors, tout semble manquer… mais rien ne manque à ceux qui savent cultiver la lumière intérieure et trouver la chaleur en eux et autour d’eux.En voici quelques morceaux choisis.
« Comment peut-on aimer l’hiver ? » Telle est sans doute la question posée par la saison la plus froide et la plus austère du calendrier à notre époque hédoniste, si avide de plaisirs immédiats et de sensualité joyeuse. Comment peut-on en effet aimer la nuit qui s’allonge, la rigidité s’emparant du vivant, l’effacement puis la disparition des couleurs vives ? Comment aimer le manque ? Car l’hiver est d’abord synonyme de manque, comme l’a regretté avec emphase le poète anglais Thomas Hood dans son poème « No !» : « Il n’y a plus d’ombre, plus d’éclat, plus de papillons, plus d’abeilles, plus de fruits, plus de fleurs, plus de feuilles, plus d’oiseaux… »
Que reste-il alors ? Voilà ce que chacun(e) d’entre nous, des mois de décembre jusqu’à l’arrivée du renouveau printanier, doit se mettre à chercher… et trouver.
garder la petite flamme
Premier défi : ne pas se perdre dans une vision « tunnelique » des longs mois d’hibernation à venir. Certes, il est temps, pour se mettre au diapason de la nature arrêtée, de ralentir, de rentrer davantage à l’intérieur – de chez soi comme de soi. Mais sans jamais perdre de vue la petite flamme qui, même cachée, est toujours vivante ; sans ne retenir que l’aspect désolant de la saison froide, mais en apprenant à y cultiver toutes les joies possibles. C’est dans ces défis même que beaucoup pourront se réaliser, découvrir de nouvelles facettes d’eux-mêmes… Pensons à Sylvain Tesson et à son amour des immensités froides de Sibérie pour mieux se trouver ! 1
faire grandir la sagesse de l’endurance
« Le silence descend du ciel sous la forme de petits copeaux blancs, écrit-il du fond de son ermitage glacé1. Etre seul, c’est entendre le silence. Une rafale. Le grésil brouille la vue. Je pousse un hurlement. J’écarte les bras, tends mon visage au vide glacé et rentre au chaud. J’ai atteint le débarcadère de ma vie. Je vais enfin savoir si j’ai une vie intérieure ».
Dans la poésie haïku d’origine japonaise, l’inspiration hivernale se nourrit de la réclusion acceptée et parfois même transcendée en joie profonde. Le crépitement du feu où l’on peut faire sécher ses mains gelées, le retour au foyer dans la nuit, le silence d’une nature endormie deviennent des sources inattendues de confort. Les peuples nordiques eux aussi ont créé le terme de Hygge pour évoquer ce sentiment de transcender les rigueurs de l’hiver en un cocooning réparateur et bienfaisant.
Trouver la lumière des liens et le sacré en toutes choses
Dans cet esprit, les gens du Nord ont l’habitude d’allumer – même dans la journée – tout un tas de bougies : aux coins des chambres, sur les étagères de cuisine, ou même suspendues dans des lustres cristallins… Les lumières qu’on peut allumer symbolisent les projets à nourrir, les espoirs à entretenir. L’apogée de cette inspiration se réalise avec la nuit de Noël bien sûr, et l’annonce de la lumière au cœur de la nuit la plus profonde. Avec ce grand paradoxe, Il nous faut accueillir le mystère de ce qui est caché, les symboles, et manifester notre confiance émerveillée à coup de décorations dorées.
Surtout, il faut partager. L’hiver est, bien plus que l’été, la saison où mesurer la richesse des liens avec ceux que nous aimons. Pour la psychanalyste Marie-Claire Dolghin, autrice des Saisons de l’âme (éd. Séveyrat), les fêtes rythmant cette période (Noël, Chandeleur…) nous indiquent comment traverser les « mois noirs » : en multipliant les soirées conviviales avec plein d’amis !
Tel est le grand message des longs mois d’hiver : la vie n’est pas morte, elle se rassemble à tous les sens du terme. Comme l’écrit Nelly Jolivet, psychanalyste autrice d’un Calendrier Nature (Ateliers de l’Hermitage), « en hiver, il nous faut cultiver cette certitude que, même s’il y a désert, quelque chose s’occupe de nous. La nature ne continue-t-elle pas de nous prodiguer des racines à manger, des fruits qui ne poussent qu’ensevelis sous la terre ? Gardons en tête que, quelque part, quelqu’un nous soutient et nous encourage ». Se sentir relié malgré tout… et si c’était cela, le plus beau trésor de l’hiver ?
1. Sylvain Tesson, « Dans les forêts de Sibérie », (Gallimard).
Partagez et propagez de la poésie!