Une Madame de Sévigné version “plus légère” ? L’inventrice des chroniques radio à venir ? Une diariste poète ? Sei Shönagon, joyau incontesté de la littérature nippone du XI è siècle est tout cela à la fois, et bien plus. Voici l’article que j’ai écrit sur elle dans le hors-série du magazine LIRE de Juin 2021 consacré aux 101 femmes de lettres incontournables.
Car les “Notes de Chevet” de cette dame de compagnie de l’Impératrice Sadako sonnent d’une réelle modernité et fascinent toujours.
moderne et poétique
Modernité de format (l’auteure alterne toutes sortes de considérations en vrac, les thèmes primant sur la chronologie habituelle d’un journal intime) et modernité de ton (elle croque autant ses contemporains qu’elle dévoile sa vie intérieure).
Son écriture à la fois précise et directe laisse le lecteur penser qu’il est le destinataire de confidences précieuses nées dans le secret d’une chambre d’un palais de Kyoto. Car cette amie des temps passés n’hésite pas à faire, à travers de courts chapitres, l’inventaire de tout ce qu’il est possible de commenter de notre vie humaine : “les choses qui semblent éveiller la mélancolie”, “ les choses qui ont une grâce raffinée”, “ les gens qui prennent des airs savants”, les “choses qu’il ne valait pas la peine de faire”…
Ainsi Sei Shônagon annonce-t-elle ces “livres de listes” qui font de nos jours le succès du développement personnel.
Elle offre aussi un accès direct et sensible à l’esthétique si raffinée de la civilisation japonaise, et ceci dès la première ligne de son foisonnant texte qui n’est pas sans rappeler l’univers d’un Marcel Proust : “Au printemps, c’est l’aurore que je préfère”.
Sei Shônagon, “Notes de Chevet ”, traduction et commentaires d’André Beaujard, Gallimard/ Unesco
Et la superbe édition, en beau-Livre illustré par HOKUSAI de chez Citadelles et Mazenod
à déguster aussi le petit livre de Corinne Atlan paru en Folio sagesses “Choses qui rendent heureux et autres notes de chevet”. Comme le dit l’auteure : “Par listes délicates et perçantes, Sei Shônagon saisit, attentive à leur impermanence, l’essence poétique des êtres et des choses”.