une poétesse au cinéma

Maternité éternelle, film japonais de la réalisatrice Kinuyo Tanaka ressort ces jours-ci, remastérisé. Vous pouvez encore courir dans quelques salles, dont le beau Luxor à Paris pour plonger dans ce mélodrame touchant.

brève immersion dans la poésie tanka

Il est aussi instructif pour tous ceux qui s’intéressent à la poésie japonaise. En effet, le film sorti en 1955 raconte le destin tragique de Fumiko Nakajō, (1922-1954) poétesse waka (elle écrivait des poèmes brefs de 31 syllabes, les tanka, cousins des haïku ) qui mourut à seulement 31 ans d’un cancer du sein.

Une fois de plus, le sort des femmes japonaises au foyer y apparaît comme affligeant : mari plus ou moins alcoolique, infidèle ; charge totale des enfants jusqu’au jour où le divorce les en sépare cruellement… Fumiko Nakajō ne trouve un peu de répit qu’auprès de son professeur de poésie.

De belles scènes nous immergent dans un club poétique tel qu’il y en a tant au Japon. Surtout, mais trop rares, quelques moments passés dans la nature inspirent à l’héroïne de beaux tanka

On regrettera qu’il n’y en ait pas plus, car la poésie de Fumiko Nakajō est existentielle et, flirtant entre la vie et la mort qu’elle sent déjà si proche, bouleversante.

une poésie du tragique

Grâce à Daniel Py, qui a heureusement traduit certains tankas de la poétesse sur son blog, nous pouvons découvrir davantage de l’œuvre de Fumiko Nakajō, bien évidemment marquée par sa maladie précoce fatale.

en quête d’une rive
où je pourrais repérer mon sein
dérivant
avec des méduses blanches
je m’endormirai encore

cette colline
en forme du sein
que j’ai perdu
sera décorée de
fleurs mortes en hiver

le temps des lucioles

Traduisant des extraits du livre Modern Japanese Tanka de Makoto Ueda, pages 205-216, Daniel Py nous apprend que la poétesse devint célèbre en avril 1954 quand un ensemble de cinquante de ses poèmes gagna le premier prix d’un concours national de tanka sponsorisé par une revue importante.

En juillet 1954, son premier recueil de tanka fut publié : Chibusa sôshitsu (Un sein perdu), expression en analogie avec Rakuen sôshitsu (Paradis perdu). Elle ne vit pas son deuxième recueil, Hana no genkei (Le Prototype des fleurs), publié en avril 1955.

un film de Kinuyo Tanaka

C’est donc ce destin court, intense dans sa quête de liberté, que ce beau film raconte, nous laissant avec l’envie d’en connaître un peu plus sur cette poétesse-luciole.

partageant la douceur
que deux êtres sans relation éprouvent
l’un pour l’autre
une vache broutant et moi
au soleil couchant

frétillant
hors d’une part fragile
de moi-même
et nageant de ses longues nageoires
un poisson rouge

Deux écrits pourront nous permettre de plonger encore davantage dans son histoire et dans sa poésie :

Par Pascale Senk

Journaliste, auteure, éditrice spécialisée en psychologie, Pascale Senk se consacre à transmettre l’art et l’esprit poétique du haïku, qu’elle envisage comme une voie méditative.

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