haïkus d’hiver, lumières de l’ombre

mon arbre en hiver

C’est la deuxième année que j’anime des ateliers autour des haïkus d’hiver. Nous y lisons, étudions, dégustons la neige d’Issa ou de Chiyo-Ni, le froid des villes des hajins contemporains, ou leurs rêves de montagnes enneigées. Puis nous écrivons les nôtres, nos nano-poèmes nés à l’occasion d’une méditation, ou d’un souvenir. Nous retravaillons ceux-ci en partage, comme des tranches de galettes nous donnant l’eau à la bouche.

délicieux haïkus

Le plus souvent, nous nous régalons. Pour preuve, quelques haïkus écrits en atelier il y a quelques jours  :

de ma fenêtre
la prairie sous le givre –
mes mots se figent

Elizabeth Leman

ciel d’hiver –
enfoncé dans la neige
un chalet noir

Elisabeth Leman

jour d’hiver –
les gouttes se réfugient
à ma fenêtre

Loula Shukor

de ma fenêtre
les champs dorment sous la neige
regard au loin

Pascal Thomas

l’ADN poétique de la saison

Comme pour chaque saison, les haïkus nous connectent à l’ADN de la période : ses manifestations environnementales, dans les végétaux, les températures, les activités humaines. Ils nous mettent aussi en contact direct avec des sentiments que nous zappons trop souvent dans le quotidien car nous n’avons pas le temps de nous y arrêter.

Grâce aux haïkus, moi qui suis une fille des climats africains, j’ai découvert ma capacité d’émerveillement devant la neige et ses mutations, les sons feutrés de paysages engourdis, les jeux d’ombres et de lumières dehors… et dedans.

le bonheur de rentrer… en soi

On ne s’en lasse pas : la poésie haïku nous met aussi en contact avec la beauté d’une solitude qui revient le plus souvent à accepter de rentrer… chez soi et dans son intériorité.

cliquetis du portail –
une fois encore
la nuit vient

Coralie Creuzet

longue soirée –
ici le temps se mesure
en bûches

Vincent Hoarau

C’est ainsi que, grâce aux haïkus, je me suis mise à aimer profondément, viscéralement, l’hiver.

La densité des arbres noirs, la lumière fragile et déclinante qui par son absence éclaire tout de nos âmes,

l’ envie de retrouver ceux que l’on aime dans un cocon rendu sacré par quelques bougies allumées, l’odeur du feu et le goût du sucre.. ;

temps de l’endurance

Tout est bon à percevoir, cueillir, entendre, dans ces temps de résistance et de résilience.

de la mélancolie
ils traversent le fond
les flocons qui tombent

Naito Joso

du tintement de la cloche
les ondes se confondent
avec la nuit sans fin

Shiki

Les haïkus d’hiver nous invitent ainsi à tenir nos forces, à les garder sous terre ou sous les grandes ombres d’une forêt. Ils nous donnent les traces d’un mystère imparable. L’hiver, dans cette poésie si vivante, nous annonce que la lumière revient toujours, que la vie  même enterrée, est toujours là. Et pendant tout ce temps, si long, si étendu, de la froidure, la lune, comme si elle était encore plus lumineuse dans son opacité de brumes, nous enseigne la patience.  

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Par Pascale Senk

Journaliste, auteure, éditrice spécialisée en psychologie, Pascale Senk se consacre à transmettre l’art et l’esprit poétique du haïku, qu’elle envisage comme une voie méditative.

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